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Dans un jugement rendu en février 2017, la Cour supérieure confirme que ce n’est pas toujours approprié de se référer à des lois connexes ou à des décisions rendues par des Conseils de discipline d’ordres différents afin de se prononcer sur la culpabilité d’un professionnel et/ou la sanction qui devrait être imposée dans les circonstances. De plus, la Cour supérieure réitère que l’absence de remords ne peut constituer, en soi, un facteur aggravant pouvant justifier une peine ou une sanction plus sévère (Mercier c. Tribunal des professions, 2017 QCCS 361).
LES FAITS
En juillet 2013, vingt-huit dentistes reçoivent signification d’une plainte comportant 3 chefs d’infraction qui leur reprochent d’avoir violé certaines dispositions du Code de déontologie des dentistes du Québec et du Code des professions portant sur les publicités. Les vingt-huit dentistes travaillent pour une même entreprise qui avait lancé une campagne publicitaire qui, selon le syndic de l’Ordre, ne respectait pas les dispositions applicables en la matière. En avril 2014, le Conseil de discipline leur trouve coupables et leur condamne chacun à une amende de 1000 $ par chef d’infraction.
En appel, le Tribunal des professions rejette l’appel formulé par les dentistes sur culpabilité et sanction, ainsi que l’appel formulé par le syndic sur sanction, en décidant qu’il n’y avait aucune erreur manifeste et dominante commise par le Conseil de discipline.
Les dentistes se pourvoient en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure, en contestant notamment la raisonnabilité des amendes imposées par le Conseil de discipline. Plus particulièrement, les dentistes prétendent que le Conseil n’aurait pas dû retenir leur absence de remords comme facteur aggravant.
LE JUGEMENT DE LA COUR SUPÉRIEURE
Après avoir tenu compte des arguments invoqués par chacune des parties, la Cour supérieure tire les conclusions suivantes :
1. L’interprétation d’une loi connexe donnée par la jurisprudence d’un Conseil de discipline d’un autre ordre professionnel n’est pas nécessairement pertinente pour interpréter la portée d’une disposition se trouvant dans un code de déontologie différent.
2. Tout comme en droit pénal, les remords, en droit disciplinaire, constituent un facteur atténuant qui, tout comme le plaidoyer de culpabilité, peut justifier une sanction plus clémente.
3. Toutefois, il demeure généralement reconnu que l’absence de remords n’est pas nécessairement un facteur aggravant pouvant être invoqué afin de justifier une sanction plus sévère.
4. Cela étant, un Conseil de discipline ou un tribunal ne peut reprocher à un professionnel d’avoir exigé la tenue d’un procès ou de continuer à nier sa culpabilité, et encore moins lorsqu’un appel a été interjeté.
5. De plus, la position prise par le professionnel lors des audiences sur culpabilité et sur sanction et la défense qu’il présente ne peuvent être traitées comme des facteurs aggravants.
6. De ne considérer que l‘absence de remords à titre de facteur aggravant constitue une erreur de droit révisable.
7. Cependant, lorsque l’absence de remords n’est pas l’unique critère aggravant retenu par le Conseil de discipline dans le cadre de l’imposition de la sanction, il n’y a pas d’erreur déraisonnable justifiant un contrôle judiciaire.
LES LEÇONS À RETENIR
1. Il peut être très dangereux de passer d’une loi à une autre sans faire les adaptations nécessaires; pour cette raison, un tribunal pourra même refuser de prendre en considération l’interprétation donnée par la jurisprudence à propos d’autres lois.
2. Si les remords et les regrets du contrevenant sont clairement des facteurs atténuants, cela ne signifiera pas nécessairement que leur absence sera un facteur aggravant.
3. La tendance majoritaire consiste plutôt à considérer l’absence de remords comme un élément neutre qui ne doit aucunement entraîner une sanction plus sévère que celle qui serait autrement appropriée.
4. Le fait de qualifier erronément l’absence de remords comme facteur aggravant ne pourrait entraîner un contrôle judiciaire lorsqu’il y a critères aggravants additionnels justifiant la sanction imposée; dans un tel cas, l’erreur commise n’est pas une erreur déraisonnable Dubé Légal inc., avocats en droit disciplinaire à Montréal.