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Dans un jugement rendu en juillet 2016, la Cour supérieure décide que le droit consacré en matière de procédure civile d’interroger l’auteur d’une déclaration assermentée s’impose également en matière disciplinaire. Elle souligne que toute personne faisant l’objet d’une plainte disciplinaire a le droit de tester la fiabilité et la crédibilité de toute preuve présentée contre elle, y compris la plainte disciplinaire elle-même, et peut donc exiger que le syndic, auteur de la plainte et de l’affidavit au soutien de celle-ci, se soumette à un interrogatoire. La Cour supérieure précise toutefois qu’il appartient au Conseil de discipline de décider quand et comment cet interrogatoire aura lieu. (De Barros c. Conseil de discipline de la Chambre des notaires, 2016 QCCS 4721).
LES FAITS
En septembre 2014, un notaire est accusé de dix-huit chefs d’infraction devant la Chambre des notaires du Québec. La plainte disciplinaire, comme toute autre plainte disciplinaire, porte la signature de la syndique, à titre de partie plaignante, et est appuyée de son serment attestant qu’elle a des motifs raisonnables de croire que les faits énoncés dans la plainte sont vrais, le tout conformément à l’article 127 du Code des professions.
En invoquant le droit à interroger hors de cour l’auteur d’une déclaration assermentée prévu au Code de procédure civile, le notaire demande à interroger la syndique sur son serment, ce qui lui est refusé.
En estimant ce refus injustifié, le notaire demande au Conseil de discipline de prononcer un arrêt des procédures. Il souligne notamment que le refus de se soumettre à un interrogatoire entraîne, en matière civile, le rejet de l’affidavit et de l’acte au soutien duquel il avait été donné. Selon cette logique, non seulement la déclaration assermentée de la syndique adjointe, mais également la plainte disciplinaire au soutien de laquelle elle existe, devront être rejetées.
La demande en arrêt des procédures étant rejetée par le Conseil de discipline, le notaire se présente devant la Cour supérieure en contrôle judiciaire.
LE JUGEMENT DE LA COUR SUPÉRIEURE
Après avoir tenu compte des arguments invoqués par chacune des parties, la Cour supérieure tire les conclusions suivantes :
1. Le droit disciplinaire est un droit sui generis qui s’inspire à la fois du droit pénal et du droit civil.
2. L’article 127 du Code des professions exige que la plainte disciplinaire soit appuyée du serment de la partie plaignante et atteste que ce dernier a des motifs raisonnables de croire que l’ensemble des faits mentionnés à la plainte est vrai.
3. Le Code de procédure civile prévoit qu’à la demande de la partie adverse, l’auteur d’une déclaration assermentée doit se soumettre à un interrogatoire sur son serment, à défaut de quoi la déclaration et l’acte au soutien duquel elle a été donnée seront rejetés.
4. Il ne faut pas vider de toute utilité l’obligation prévue à l’article 127 du Code des professions d’appuyer la plainte disciplinaire par le serment du syndic chargé du dossier.
5. Toute personne, y compris les professionnels accusés de chefs d’infraction au niveau disciplinaire, a le droit d’exiger que l’auteur d’une déclaration assermentée soit assujetti à un interrogatoire, et ce, pour pouvoir tester la crédibilité de ce dernier.
6. Une distinction de classe n’existe pas entre les plaignants privés et les syndics-plaignants, de sorte qu’ils peuvent, tous les deux, être soumis à un interrogatoire par le professionnel.
7. Par ailleurs, le nouveau Code de procédure civile semble préciser que le droit d’interroger et sa sanction s’appliquent à tout serment exigé par « la loi », ce qui comprend nécessairement le serment du syndic prévu au Code des professions.
8. Cependant, le droit d’interroger le syndic ne donne pas au professionnel le droit automatique de choisir le moment ou le lieu où ce droit pourra être exercé.
9. L’équité procédurale ne garantit pas que le professionnel traduit en discipline ait automatiquement le droit d’interroger l’auteur du serment hors de cour ou avant les audiences que tient le Conseil.
10.Le notaire peut encore interroger la syndique adjointe sur son serment suivant l’encadrement équitable que déterminera le Conseil et il n’y a pas lieu de prononcer un arrêt des procédures dans les circonstances.
LES LEÇONS À RETENIR
1. Les règles fondamentales de la preuve exigent que l’auteur d’un affidavit ou déclaration sous serment soit assujetti à un interrogatoire à la demande de la partie adverse, car le droit d’interroger est essentiel pour appuyer la crédibilité dudit l’affidavit.
2. Ces règles fondamentales s’appliquent aussi bien aux plaignants privés qu’aux syndics-plaignants.
3. Le pouvoir d’encadrer le droit à l’interrogatoire sur serment appartient au Conseil de discipline qui demeure maître du quand et comment ce droit pourra s’exercer Dubé Légal inc., avocats en droit disciplinaire à Montréal.