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Droit des successions, remplacement du liquidateur, frais d’avocat. La Cour supérieure a récemment été saisie d’une requête introductive en destitution du liquidateur d’une succession et en remplacement par un autre membre de la famille. Par cette requête, la Cour devait décider si la défenderesse, à titre de liquidatrice, avait manqué à ses devoirs dans l’administration de la succession de son défunt frère et, le cas échéant, si elle doit être remplacée à titre de liquidatrice. La Cour a également eu à déterminer si la défenderesse devait personnellement supporter les honoraires d'avocat engagés dans cette affaire. (Gosselin c. Gosselin, 2012 QCCS 4540).
LES FAITS
En 2002, le testateur, Émilien Gosselin, désigne sa sœur Marie-Marthe Gosselin à titre de liquidatrice de sa succession. Feu Émilien Gosselin décède en 2008 et, après avoir reçu communication du testament, les demandeurs (héritiers du défunt) communiquent avec Marie-Marthe Gosselin, la défenderesse, pour obtenir des informations sur le contenu de la succession et les étapes à suivre pour sa liquidation. En octobre 2009, les demandeurs affirment ne pas avoir reçu les informations demandées. Deux des demandeurs adressent des lettres à la défenderesse lui demandant officiellement de leur envoyer une copie de son rapport et l’inventaire de la succession. Ces lettres ne seront pas réclamées par la défenderesse, celle-ci considérant qu’elle remplissait ses devoirs de liquidatrice et qu’elle n’avait donc pas besoin de se préoccuper de ces communications. Un recours est finalement déposé à la Cour du Québec en décembre 2009 par l’un des demandeurs réclamant le paiement anticipé d’une partie de son héritage.
En septembre 2010, le procureur de la défenderesse transmet finalement à tous les héritiers l’inventaire de la succession. C’est en janvier 2011 que le procureur des demandeurs dépose finalement une requête introductive réclamant la destitution et le remplacement de la défenderesse à titre de liquidatrice.
LE RECOURS EN REMPLACEMENT DU LIQUIDATEUR
La Cour rappelle dans un premier temps le principe énoncé à plusieurs reprises par la jurisprudence et confirmé dans la décision récente de la Cour d’appel Roy c. Roy, 2012 QCCA 305 à l’effet que la question de la destitution et du remplacement d’un liquidateur constitue toujours un cas d’espèce et une mesure extrême, particulièrement lorsque le liquidateur a été désigné par le testateur. La Cour nous explique que ce principe s’explique par le fait que le testateur désigne une personne qu’il connaît et en qui il a confiance, la considérant capable d’agir comme liquidatrice.
Ensuite, le tribunal souligne le fait que les seuls actifs du défunt sont des placements bancaires et que, par conséquent, la défenderesse aurait facilement pu informer les héritiers du contenu et de la valeur du patrimoine successoral du défunt. En effet, dès le décès, ces informations étaient disponibles. L’obligation de faire l’inventaire de la succession ne fait l’objet d’aucun délai légal mais, nous dit la Cour, le liquidateur devrait le faire le plus tôt possible après son entrée en fonction. En vertu des art. 802 et 1309 du Code civil, la défenderesse se devait d’agir avec prudence, diligence, honnêteté et loyauté, dans le meilleur intérêt des héritiers. Selon la Cour supérieure, la liquidatrice a manqué de transparence et de prudence en refusant de communiquer aux héritiers, à leur demande, une copie des relevés bancaires du défunt. De plus, la défenderesse a omis de rendre un compte annuel de sa gestion et n’a pas permis que les héritiers puissent prendre connaissance des livres et des pièces justificatives se rapportant à l’administration de la succession.
Cependant, ayant en tête le principe voulant que la destitution et le remplacement d’un liquidateur désigné par testament sont des mesures extrêmes, le tribunal est d’avis que ces manquements de la part de la défenderesse ne constituent pas un motif suffisamment sérieux pour entraîner sa destitution à titre de liquidatrice et son remplacement.
LES FRAIS D'AVOCAT EN DROIT DES SUCCESSIONS
Sur ce point, la Cour explique que ce sont les réticences de la défenderesse à faire connaître la valeur du patrimoine successoral du défunt qui ont mené au présent conflit et entraîné des délais importants dans le règlement de la succession. Les actifs de la succession se résumant à des placements bancaires, il était facile pour la défenderesse de produire un inventaire bien avant septembre 2010. Ce conflit opposant la liquidatrice et les héritiers aurait facilement pu être réglé rapidement étant donné que la liquidation de la succession ne posait aucun problème. La Cour supérieure souligne que le refus de prendre possession de la correspondance qui lui était adressée et le fait de s’obstiner à ne pas fournir les informations dont les demandeurs étaient en droit de recevoir constituent une conduite inacceptable de la part de la défenderesse. Toutefois, la Cour souligne que les demandeurs y compris leurs procureurs sont en partie responsables de cette situation qui a dérapé vers la judiciarisation du conflit alors qu’il y aurait pu avoir règlement bien avant. Le tribunal limite donc à 10 000 $ les honoraires et déboursés extrajudiciaires engagés par la défenderesse au nom de la succession, celle-ci devant assumer personnellement les honoraires et déboursés extrajudiciaires supplémentaires. Dubé Légal inc., avocats en droit des successions et litige successoral.