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Droit du travail, rapports collectifs, conditions de travail. Dans le conflit qui oppose depuis 2005 la Compagnie Wal-Mart du Canada et le syndicat des employés de l’ancien établissement de Jonquière, la Cour d’appel a récemment eu à se prononcer sur la question de savoir si la fermeture complète et définitive de l’établissement constitue une modification aux conditions de travail des salariés qui ont été congédiés suite à cette fermeture. (La Compagnie Wal-Mart du Canada c. Travailleurs et Travailleuses Unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503, 2012 QCCA 903).
LES FAITS
Cette affaire a pour origine l’échec des négociations entre Wal-Mart et le syndicat représentant les salariés de l’établissement de Jonquière accrédité en août 2004. Suite à cet échec, Wal-Mart annonce la fermeture de son établissement et licencie ses employés. En mars 2005 le syndicat dépose une plainte alléguant que ces licenciements contrevenaient à l’article 59 du Code du travail puisque, ce faisant, Wal-Mart avait modifié les conditions de travail.
Rappelons que l’art. 59 prévoit une période de gel des conditions de travail à compter du dépôt d’une requête en accréditation et ce, tant que le droit au lock-out ou à la grève n’est pas exercé ou qu’une sentence arbitrale n’est pas intervenue.
LES DÉCISIONS DE D'ARBITRE ET DE LA COUR SUPÉRIEURE
a) La décision de l’arbitre
L’arbitre reconnaît tout d’abord à l’employeur le droit de continuer à gérer son entreprise comme à l’habitude. Pour lui, le congédiement fait sans cause juste et suffisante constitue une modification des conditions de travail. Il souligne que c’est d’abord au syndicat que revient le fardeau de démontrer qu’il y a eu modification des conditions de travail. Ensuite, il mentionne qu’il revient à l’employeur de faire la preuve contraire en démontrant que sa décision s’inscrivait dans le cours normal de ses activités. L’arbitre poursuit en affirmant que Wal-Mart a le droit de mettre fin à ses activités si cette décision n’est pas prise en fonction de considérations discriminatoires, abusives ou inéquitables. Dans un tel cas, les licenciements qui en résulteraient seraient fait pour une cause juste et suffisante. L’arbitre conclut que Wal-Mart ne s’est pas acquittée de son fardeau puisqu’elle n’a pas été en mesure d’expliquer la légitimité de sa décision de fermer son établissement. La plainte du syndicat a donc été accueillie.
b) La décision de la Cour supérieure
Dans le cadre de la révision judiciaire demandée par Wal-Mart, la Cour supérieure a conclu que la décision de l’arbitre était raisonnable et que ce dernier avait simplement exigé que Wal-Mart démontre que sa décision s’inscrivait dans le cours normal des ses activités, rejetant ainsi la requête en révision de Wal-Mart. La Cour a ajouté que Wal-Mart ne pouvait simplement justifier les congédiements en invoquant la fermeture de son entreprise, elle devait également justifier cette fermeture.
ANALYSE DE LA COUR D'APPEL
Le tribunal rappelle tout d’abord, sous la plume du juge Léger, qu’aucune législation au Québec n’oblige un employeur à rester en affaires. Le juge rappelle ensuite que le débat doit cibler la cause immédiate des licenciements, soit la disparition des postes en raison de la fermeture définitive de l’établissement et non pas les causes de la fermeture de l’établissement. La Cour d’appel mentionne à cet effet que la logique employée par l’arbitre n’est pas adéquate en ce que le fait d’admettre que la fermeture d’une entreprise constitue une cause juste et suffisante justifiant le congédiement par un employeur de ses salariés ne peut être compatible avec le fait de considérer que le maintien du lien d’emploi constitue une condition de travail.
De plus, la Cour souligne une erreur de la part de l’arbitre dans l’interprétation qu’il donne de l’art. 59 du Code du travail. Elle rappelle que cet article a pour effet d’immobiliser la situation ayant cours au sein de l’entreprise suite au dépôt de la requête en accréditation et que cet article ne confère pas de sécurité d’emploi aux salariés. Pour la Cour d’appel, lorsque l’arbitre déclare que l’employeur a le droit de fermer son entreprise et que les congédiements qui en résultent sont justifiés et qu’ensuite, il affirme que ces congédiements sont des modifications aux conditions de travail, il se contredit et, ce faisant, il confère une sécurité d’emploi aux salariés. Ce raisonnement, nous dit le juge Léger, est contraire à l’esprit de l’art. 59.
LA CONCLUSION
Les juges Vézina et Gagnon, en accord avec le raisonnement du juge Léger, sont d’avis que la fermeture d’un établissement constitue une suppression du travail. Ainsi, l’exploitation de l’entreprise et les conditions de travail ne sont pas modifiées, elles disparaissent tout simplement. Dubé Légal inc., avocats en droit du travail à Montréal.