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Droit commercial, droit immobilier, bail commercial: la signature d'un bail commercial n'est pas essentielle pour conclure à l'existence d'une entente locative

Droit commercial et bail commercial. La théorie générale des obligations veut qu’un contrat soit formé par le seul échange de consentement entre les parties à moins que la loi ne les oblige à accomplir certaines formalités pour que le contrat voulu soit valide. C’est ce que la Cour supérieure nous rappelle dans une affaire récente, où elle a eu à se prononcer sur la question de savoir si un bail commercial non signé par les parties était néanmoins valide et liait ces dernières. (2630-8064 Québec inc. (Placements CDS) c. 3188744 Canada inc., 2012 QCCS 3281).

LES FAITS

Vers le début de l’année 2009, la défenderesse et la demanderesse (Placements CDS) s’entendent pour que la demanderesse opère un commerce de restauration dans un des locaux de l’immeuble de la défenderesse. Ne s’étant pas entendues sur l’ensemble du bail, les parties n’ont produit qu’un document intitulé « Projet de bail » sur lequel elles avaient apposé leurs initiales. L’une des clauses du bail prévoyait que le locataire s’engageait à signer le bail dans les 30 jours et que ce bail serait le même que celui qui existait entre la défenderesse et l’ancien locataire. Les parties n’ayant finalement jamais signé le bail, la demanderesse prétend qu’il s’agit donc d’un bail verbal d’une durée d’un mois et qu’elle peut y mettre fin en tout temps.

Au mois d’octobre 2010, la demanderesse prend la décision de mettre fin aux opérations de son entreprise. Elle adresse une lettre à la défenderesse l’avisant que son bail étant d’une durée d’un mois renouvelable chaque mois, qu’elle lui transmet un chèque pour le paiement du mois d’octobre et que le local serait libéré au plus tard le 31 octobre 2010. Les meubles de la demanderesse ont été laissés sur place. En février 2011, la défenderesse dénonce le défaut de la demanderesse d’acquitter le paiement du loyer et l’avise qu’elle compte reprendre possession du local ainsi que des biens qui s’y trouvent étant donné l’absence de paiements du loyer. Aux termes d’une requête en injonction de la demanderesse pour récupérer ses biens qui a été rejetée par le tribunal, cette dernière dépose une requête pour obtenir compensation du préjudice causé par la défenderesse qui ne lui a pas permis de reprendre ses biens. Elle y alléguait que la défenderesse ne pouvait prétendre qu’il y avait défaut de paiement du loyer puisque le bail était terminé depuis le 31 octobre 2010.

LA DÉCISION DE LA COUR SUPÉRIEURE

Pour pouvoir décider du sort de cette requête, la Cour supérieure a donc eu à se prononcer sur la nature des obligations contractées par les parties puisque le bail n’avait jamais été signé par elles. La Cour note dans un premier temps que la preuve a clairement démontré que la demanderesse souhaitait occuper le local de la défenderesse pour l’exploitation de son commerce. Elle souligne également que la preuve et les témoignages ont permis d’établir que les parties ont bel et bien discuté et négocié les conditions d’un bail. De plus, le document produit porte les initiales des représentants de la demanderesse et de la défenderesse. Cependant, pour la demanderesse, le document produit ne peut être considéré comme étant une entente complète entre les parties puisqu’il n’a jamais été finalisé par la signature des parties.

Ensuite, le Tribunal rappelle que, selon la théorie générale des obligations, un contrat se forme par le seul échange de consentement entre les parties sauf exigences contraires prévues par la loi. Lorsqu’il s’agit de contrat de louage, aucune règle ne prévoit de formalités particulières. Ainsi, rappelle la Cour, un bail est formé dès que les parties manifestent leur consentement sur les éléments constitutifs du bail, soit le bien loué, la durée du bail et le montant à verser à titre de loyer. La Cour rejette l’argument de la partie demanderesse à l’effet que, pour être valide, le bail devait être signé par les parties. En effet, rien dans la preuve et les témoignages ne supporte la prétention que la signature constituait une condition de la réalisation de l’entente entre les parties.

Sur ce point la Cour supérieure se fonde sur la théorie de l’offre et de l’acceptation et analyse les faits de l’espèce ainsi : en transmettant à la demanderesse un projet de bail qu’elle avait signé, la défenderesse formulait ainsi une offre de louer aux conditions et termes prévus dans ce projet de bail. La demanderesse, en retournant à la défenderesse le document modifié et paraphé a manifesté son accord sur les éléments contenu à ce document. Même si la demanderesse a ajouté une clause prévoyant que la bail devait être signé dans un délai de 30 jours à laquelle les parties ont apposé leurs initiales, la preuve est à l’effet que les parties s’étaient engagées sur chacune des modalités contenues au document et ce, par le fait d'avoir apposé leurs initiales sur le projet de bail.

LA CONCLUSION

La Cour supérieure conclut donc que le projet de bail constitue un bail qui lie les parties puisqu’il contient les éléments essentiels d’un contrat de louage. Dans un tel cas, la signature du bail n’est qu’une formalité qui, si elle n’est pas remplie, n’a pas pour effet de rendre la convention non valide entre les parties. Dubé Légal inc., avocats en droit immobilier et droit commercial à Montréal.