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Droit disciplinaire : le Conseil de discipline doit aviser les parties de son intention d'écarter une recommandation commune quant aux sanctions et il ne peut réduire la durée des périodes de radiation au seul motif d'un délai important entre l'audition sur sanction et celle de la décision sur sanction

Droit disciplinaire. Dans une décision du mois de novembre 2012, le Tribunal des professions a réitéré le principe voulant que lorsque les parties à une instance disciplinaire formulent une recommandation commune quant aux sanctions à imposer à un professionnel, le Conseil de discipline doit les aviser de son intention d’écarter cette recommandation. Le Tribunal des professions rappelle également qu’un Conseil de discipline ne peut réduire les périodes de radiation imposées à un professionnel pour le seul motif d’un délai important entre l’audition sur sanction et l’audition de la décision sur sanction. (Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Gauthier, 2012 QCTP 151).

LES FAITS

Suite à une plainte portée contre madame Gauthier par la syndic adjointe de l’Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires, madame Gauthier a enregistré un plaidoyer de culpabilité. Les parties ont présenté, lors de l’audition sur la sanction, des recommandations communes quant aux sanctions à lui imposer. Celles-ci proposaient des périodes de radiation à purger concurremment et variant de deux semaines à un mois selon les chefs d’infraction.

LA DÉCISION DU CONSEIL DE DISCIPLINE

Dans un premier temps, sans entendre les parties, le Conseil de discipline de l’Ordre des Infirmières et infirmiers auxiliaires décide de s’écarter des recommandations communes qui lui ont été soumises. Dans un deuxième temps, le Conseil décide de réduire à une journée les périodes de radiation temporaires et ce, en raison des délais encourus entre l’audition sur sanction et la décision sur sanction (35 mois). Le Conseil de discipline justifie cette décision en se référant aux principes d’équité et de justice naturelle. La syndic adjointe a porté ces conclusions en appel devant le Tribunal des professions.

LA DÉCISION DU TRIBUNAL DES PROFESSIONS

L’omission du Conseil d’aviser les parties de son intention d’écarter la recommandation commune

Le Tribunal des professions souligne tout d’abord que cette question relève de l’équité procédurale dont le droit des parties d’être entendues. Le Tribunal rappelle ensuite les principes qui gouvernent les cas où les parties soumettent une recommandation commune au Conseil de discipline d’un ordre professionnel. Dans un premier temps, un conseil de discipline n’est jamais lié par une recommandation commune qui lui est soumise et, par conséquent, il possède un pouvoir discrétionnaire d’imposer la sanction qu’il estime appropriée. Cependant, nous rappelle le Tribunal, cette discrétion doit respecter certaines règles dont celle voulant que le Conseil doit aviser les parties des motifs qui l’empêchent de donner suite à la recommandation commune. Cette règle a pour objectif de permettre aux parties de se faire entendre à cet égard. Par conséquent, le Tribunal des professions conclut que le Conseil de discipline ne pouvait rendre sa décision sur sanction sans entendre les parties sur l’intention du Conseil de ne pas entériner la recommandation commune qu’elles lui avaient soumise. Ainsi, le Tribunal infirme donc la décision du Conseil de discipline de l’Ordre et fait sienne la recommandation commune des parties concernant les sanctions à imposer à madame Gauthier.

La décision de réduire la durée des périodes de radiation en raison des délais encourus entre la date d’audition sur sanction et la date d’audition de la décision sur sanction

Le Tribunal souligne tout d’abord que le délai de 35 mois entre l’audition sur la sanction et l’audition de la décision est un délai inconcevable puisque madame Gauthier avait plaidé coupable, que les parties avaient présenté une recommandation commune quant aux sanctions et que l’audition sur la sanction ne fut que d’une durée d’une heure. Toutefois, le Tribunal rappelle qu’un conseil de discipline ne peut alléger les sanctions pour le seul motif qu’il a rendu sa décision dans un délai déraisonnable. De plus, le Conseil doit permettre aux parties de débattre sur le préjudice lié à ce délai déraisonnable, aux circonstances exceptionnelles pouvant justifier le délai encouru ainsi que sur le principe de la protection du public qui doit être reflété par les sanctions imposées au professionnel déclaré coupable d’infractions disciplinaires. L’allègement de la sanction est une mesure exceptionnelle et une décision à cet effet doit tenir compte de la crédibilité du processus disciplinaire aux yeux du public.

LA CONCLUSION

Par cette décision, le Tribunal des professions réaffirme des principes primordiaux qui doivent être suivis par les conseils de discipline des divers ordres professionnels du Québec. Dubé Légal inc., avocats en droit disciplinaire à Montréal.