2000, avenue McGill Collège, bureau 600, Montréal, QC, H3A 3H3
Tél:514 286-9800
Fax:514 286-7827
Message envoyé!
Nous vous contacterons sous peu
Notre équipe attentionnée attend votre appel.
Contactez nous dès maintenant au
514 286-9800
  • Litige commercial, responsabilité civile et assurances
  • Inspection professionnelle et droit professionnel
  • Pratique illégale d'une profession
  • Droit administratif et droit règlementaire
  • Droit disciplinaire, déontologie et responsabilité professionnelle
English

Droit des successions : les fiduciaires, s'ils sont tous bénéficiaires d'une fiducie, ne peuvent agir seuls et engager la fiducie

Droit des successions, fiducie successorale. Dans une décision récente, la Cour supérieure a rappelé le principe voulant que, depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code civil, l’art. 1275 prévoit qu’un fiduciaire, à la fois bénéficiaire d’une fiducie, doit agir conjointement avec un fiduciaire qui n’est ni constituant ni bénéficiaire de cette fiducie. La Cour, sous la plume de l’honorable juge Jacques Babin, souligne également que cette disposition est d’ordre public et qu’elle entraîne la nullité absolue d’un contrat conclu en contravention de cette règle. (Financière Transcapitale c. Fiducie succession Jean-Marc Allaire, 2012 QCCS 5733).

LES FAITS

En 1987, feu Jean-Marc Allaire signe un testament par lequel une fiducie testamentaire est créée et dont les bénéficiaires sont son épouse, Louise Allaire, et ses deux enfants Diane et Marc Allaire. Il les nomme tous les trois exécuteurs testamentaires et fiduciaires de la succession. Jean-Marc Allaire décède en décembre 1994. Vers l’année 2010, suite à des difficultés financières, Marc Allaire prend contact avec la demanderesse, Financière Transcapitale inc., qui offre du financement à court terme. Cette dernière lui accorde un prêt de 300 000$ et Marc Allaire consent à lui donner, à titre de garantie, le portefeuille de la succession d’une valeur de 500 000$ détenu auprès de Desjardins. À cet effet, une résolution de la Fiducie est signée par les trois fiduciaires et prévoit que la Fiducie consent à donner en garantie ce portefeuille de placements. Cette résolution autorise également Marc Allaire à signer pour et au nom de la Fiducie successorale les documents afférents à cette affaire. Un accord de maîtrise est signé par la Fiducie et Desjardins, par lequel cette dernière s’engage à conserver le portefeuille au cours de la durée de l’hypothèque et à donner suite aux instructions de la demanderesse au cas où des biens gardés en garantie devaient être liquidés en cas de défaut de la part de Marc Allaire de rembourser le prêt consenti.

Malheureusement, le prêt consenti et remboursable un an plus tard demeure impayé. La demanderesse s’adresse à Desjardins dans le but que cette dernière exécute la liquidation du portefeuille de placements donné en garantie. Celle-ci ne s’exécutant pas, la demanderesse dépose un recours en délaissement forcé et en vente de certains éléments actifs appartenant à la Fiducie. 

 LA DÉCISION DE LA COUR SUPÉRIEURE

Les défendeurs ont invoqué la nullité de l’hypothèque puisque la Fiducie n’avait pas la capacité légale d’agir en signant la résolution autorisant que l’on donne en garantie le portefeuille de placements et en permettant la signature de l’accord de maîtrise avec Desjardins. Pour les défendeurs, cet argument est appuyé par l’art. 1275 du Code civil, disposition d’ordre public qui prévoit que le bénéficiaire d’une fiducie doit agir conjointement avec un fiduciaire qui n’est ni constituant ni bénéficiaire. Cependant, cette disposition n’étant en vigueur que depuis 1994, une telle personne n’a jamais été nommée. La demanderesse allègue, quant à elle, que l’art. 1275 n’est pas d’ordre public et que les actes conclus en contravention de cet article pouvaient donc être ratifiés expressément ou implicitement par les défendeurs. Pour la demanderesse, les défendeurs, par leur comportement, ont ratifié ces actes.

La Cour supérieure souligne en premier lieu qu’il est surprenant que les juristes ayant eu à intervenir dans ce dossier (le notaire à qui a été confié le mandat de préparer l’acte de prêt hypothécaire ainsi que les avocats mandatés pour rédiger l’accord de maîtrise) n’aient pas soulevé le problème que pouvait poser l’art. 1275. En citant plusieurs décisions ainsi que des extraits de doctrine, le tribunal explique ensuite que les fiducies créées par des testaments avant 1994 sont elles aussi assujetties, depuis 1994, à l’obligation d’avoir un fiduciaire qui n’est ni constituant ni bénéficiaire. Le juge confirme également le caractère d’ordre public de l’art. 1275. Ainsi, nous dit la Cour, en cas de défaut de respecter l’art. 1275, tous les actes conclus par la fiducie seront sans effet puisqu’il y a alors défaut de capacité. Un acte passé en contravention de cette disposition est donc nul de nullité absolue et il est par conséquent impossible de ratifier un tel acte. En l’espèce, il aurait donc fallu nommer un fiduciaire qui ne soit ni constituant ni bénéficiaire de la Fiducie pour que celle-ci puisse validement donner en garantie à la demanderesse le portefeuille de placements. Malheureusement pour la demanderesse, Financière Transcapitale inc., ce défaut de respecter cette règle est fatal et rend invalide l’hypothèque qui lui a été consentie.

LA CONCLUSION

La Cour supérieure rejette donc la requête de la Financière Transcapitale inc. et constate qu’il est fort possible que Marc Allaire ne puisse jamais rembourser le prêt qu’elle lui a consenti et ce, malgré un jugement rendu à cet effet qui demeure toujours inexécuté. Néanmoins, sans se prononcer sur ce point, la Cour mentionne que la demanderesse dispose sans doute d’un recours contre les juristes impliqués dans la préparation des actes ayant donné lieu à la présente affaire. Dubé Légal inc., avocats en droit des successions à Montréal.