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Tel que décidé par la Cour suprême du Canada dans une décision rendue en novembre 2013, « nul n’est censé ignorer la loi ». Selon le plus haut tribunal du pays, l’erreur quant à l’application d’une loi ou d’un règlement complexe ne peut être, de façon générale, un moyen de défense valable. La décision de la Cour suprême semble impliquer, toutefois, qu’exceptionnellement une défense peut se baser sur la complexité réglementaire, mais reporte tout débat à ce sujet à plus tard (La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63).
LES FAITS
En 2004, la compagnie d’assurance albertaine La Souveraine, laquelle est enregistrée auprès de l’Autorité des marchés financiers conformément à la Loi sur les assurances, a délivré une police d’assurance à une société pour assurer des véhicules récréatifs chez différents concessionnaires situés au Canada. La Souveraine employait alors un courtier basé à Winnipeg, lequel n’était pas inscrit auprès de l’Autorité des marchés financiers.
Suite au dépôt d’une plainte en janvier 2005, l’Autorité des marchés financiers débute une enquête visant le courtier en question. La Souveraine, tout en admettant que son courtier n’était pas inscrit au Québec, prétend qu’étant donné que la société avait son siège social en Ontario, que la police avait été négociée et conclue en Ontario et que les primes étaient payables directement au courtier, celui-ci n’avait pas à s’inscrire auprès de l’Autorité des marchés financiers de la province du Québec.
Au mois de janvier 2006, sans répondre aux prétentions de la Souveraine, l’Autorité des marchés financiers dépose 56 constats d’infraction contre la compagnie d’assurance pour avoir autorisé un courtier non inscrit à délivrer une police d’assurance à des concessionnaires québécois, et ce, en violation de la Loi sur les assurances.
En raison de l’absence de réponse de la part l’Autorité des marchés financiers avant le dépôt de la plainte et de l’avis erroné de ses conseillers juridiques, la Souveraine prétend avoir cru, par erreur, que les opérations de son courtier étaient légales dans les circonstances.
LA DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA
La Cour suprême du Canada conclut à la responsabilité pénale de La Souveraine, tout en faisant les rappels suivants :
1. La disposition de la Loi sur les assurances sur laquelle les chefs d’infractions de la plainte étaient fondés prévoit une infraction de responsabilité stricte.
2. Une infraction de responsabilité stricte est une infraction qui n’exige pas la preuve de l’intention ou l’esprit coupable de l’accusé (le mens rea).
3. En présence d’une infraction de responsabilité stricte, la faute de l’accusé est présumée, sauf si celui-ci repousse la présomption d’intention en démontant sa diligence raisonnable ou une erreur de fait raisonnable.
4. Un accusé peut invoquer la défense d’erreur de fait raisonnable avec succès s’il démontre qu’il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter que l’événement en question se produise.
5. Le fait d’avoir erronément cru à l’existence d’une situation juridique en raison d’un état de faits qui existait bel et bien constitue une erreur de droit, et non une erreur de fait.
6. L’erreur de droit n’est généralement pas un moyen de défense valable en droit pénal, sauf si elle découle d’une personne en autorité.
7. L’avocat de l’accusé n’étant pas une « personne en autorité », l’avis erroné obtenu de ses conseilleurs juridiques ne peut justifier l’erreur de droit de l’accusé.
8. Le silence de le l’Autorité des marchés financiers ne peut justifier ni confirmer la légalité de l’erreur de droit de l’accusé.
LES LEÇONS À RETENIR
1. Aussi raisonnable que puisse être une erreur de droit, elle ne peut servir de défense valable dans le cas d’une infraction de responsabilité stricte.
2. L’Autorité des marchés financiers n’est pas tenue de fournir des informations aux entités réglementées quant à leurs droits et obligations.
Dubé Légal inc., avocats en droit réglementaire à Montréal.