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Selon un jugement de la Cour supérieure rendu en avril 2014, lorsque la décision d’un syndic de porter une plainte disciplinaire cause préjudice au professionnel visé, car fondée sur l’opinion erronée et manifestement inacceptable d’un expert nommé en vertu de l’article 121.2 du Code des professions, la responsabilité du syndic et de l’ordre professionnel serait engagée (Gilbert c. Ordre des ingénieurs du Québec, 2014 QCCS 1489 (CanLII)).
LES FAITS
Dans le cadre d’une enquête visant Yves Gilbert, ingénieur, le syndic a retenu, conformément à l’article 121.2 du Code des professions, les services d’un expert en construction afin d’évaluer les risques d’effondrement d’un bâtiment qui a été construit par l'ingénieur. Sur la base de l’opinion manifestement erronée de cet expert, une plainte disciplinaire a été déposée contre l'ingénieur.
À la suite d’une longue bataille judiciaire aux termes de laquelle l'ingénieur a été acquitté de plusieurs chefs d’infractions et les erreurs professionnelles commises par l’expert ont été qualifiées d’inacceptables par le tribunal, L'ingénieur réclame à l’Ordre des ingénieurs du Québec, du syndic et du syndic adjoint des dommages-intérêts de 188 336, 16$. L'ingénieur prétend que les syndics ainsi que l’expert qui s’est joint à eux dans le cadre de l’enquête qui a donné lieu au dépôt de la plainte disciplinaire ont fait preuve d’insouciance grave et d’incurie.
Comme motif de défense principal, l’Ordre et les syndics font valoir que la faute commise dans les circonstances ne peut être assimilée à de l’insouciance grave et qu’en effet l’immunité relative que leur accorde l’article 193 du Code des professions serait applicable. Ils soutiennent subsidiairement que, si insouciance grave il y a, celle-ci ne peut émaner que de l’expert indépendant nommé en vertu de l’article 121.2 du Code des professions pour assister le syndic dans le cadre de son enquête. L’Ordre et les syndics avancent également qu’ils étaient de bonne foi, n’exerçaient aucun contrôle ni aucune surveillance sur le travail effectué par l’expert et ont eux-mêmes été induits en erreur par celui-ci.
LA DÉCISION DE LA COUR SUPÉRIEURE
Après avoir tenu compte des arguments invoqués par chacune des parties, la Cour supérieure tire les conclusions suivantes :
1. Tout syndic est tenu d’agir avec prudence et diligence et ne peut renoncer à respecter les normes élémentaires applicables en la matière ou à faire le travail d’enquête minimal auquel il est tenu.
2. Lorsque les services d’un expert sont retenus par le syndic, ce dernier ne peut se limiter aux conclusions de l’expert sans faire sa propre investigation sur les lieux.
3. Le fait pour le syndic de ne pas enquêter lui-même constitue, dans certaines circonstances, de la négligence grave.
4. Une négligence grave du syndic cause un dérèglement fondamental de l’exercice des pouvoirs que le syndic exerce au nom de l’ordre.
5. Un expert qui est mandaté par un syndic dans le cadre d’une enquête disciplinaire agit nécessairement à titre d’expert au sens de l’article 121.2 du Code des professions et non pas à titre de simple expert au sens du droit civil.
6. Le pouvoir qu’exerce un syndic n’est pas distinct de celui exercé par l’expert qu’il s’adjoint dans le cadre de son enquête en vertu de l’article 121.2 du Code des professions.
7. Si l’insouciance grave d’un syndic engage la responsabilité d’un ordre professionnel, il en est de même lorsque cette insouciance émane de l’expert qu’il s’adjoint.
8. Ni l’ordre professionnel ni le syndic ne peuvent bénéficier d’une immunité totale lorsque la faute provient de l’expert que s’adjoint un syndic aux termes de l’article 121.2 du Code des professions.
LES LEÇONS À RETENIR
1. Dans le cadre d’une enquête disciplinaire, tout syndic doit agir avec prudence et diligence.
2. Tout expert, nommé en vertu de l’article 121.2 du Code des professions, doit exécuter son enquête de façon professionnelle.
3. Ni un ordre professionnel ni un syndic ne peut exclure sa responsabilité en faisant valoir que le syndic a été induit en erreur par l’expert qu’il s’est adjoint au sens de l’article 121.2 du Code des professions Dubé Légal inc., avocats en droit disciplinaire à Montréal.