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Selon un arrêt de la Cour suprême rendu en juillet 2014, pour pouvoir démontrer l’existence d’un titre ancestral sur un territoire donné, il faut que le groupe revendicateur fasse preuve d’une occupation suffisante, continue et exclusive. Une fois le titre ancestral établi, le groupe aurait le droit d’utiliser et d’occuper de façon exclusive les terres pour diverses fins, y compris des fins non traditionnelles, dans la mesure où ces utilisations peuvent se concilier avec la nature collective du titre (Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique, 2014 CSC 44).
LES FAITS
En 1983, la province de la Colombie-Britannique a accordé un permis commercial de coupe de bois sur des terres que les membres de la communauté autochtone, Tsilhqot’in, croyaient leur territoire ancestral. La bande s’y est opposé et a sollicité un jugement déclaratoire afin de demander l’interdiction de l’exploitation forestière sur le territoire et de revendiquer un titre ancestral sur le territoire en question.
En première instance, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a décidé que l’existence d’un titre ancestral peut être démontrée par une preuve de l’utilisation régulière et exclusive de certains sites ou du territoire revendiqué. En appliquant ce critère, elle a conclu que l’occupation des terres par la Nation Tsilhqot’in avait été établie.
La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a plutôt fondé sa décision sur un critère plus restreint exigeant la preuve qu’au moment de l’affirmation de la souveraineté européen, les ancêtres du groupe autochtone utilisaient intensément une parcelle de terrain spécifique dont les limites sont raisonnablement définies. La Cour d’appel a conclu que l’existence du titre revendiqué par la Nation n’avait pas été prouvée dans les circonstances.
Cette dernière décision a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada par la Nation Tsilhqot’in.
LA DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA
Après avoir tenu compte des arguments invoqués par chacune des parties, la Cour suprême du Canada établit les principes suivants :
1. Il incombe au groupe revendicateur d’établir l’existence du titre ancestral.
2. Le titre ancestral découle de l’occupation; pour démontrer l’occupation, le groupe revendicateur doit faire preuve d’une utilisation suffisante, continue et exclusive des terres.
3. L’occupation suffisante ne se limite pas aux lieux d’établissement, mais s’étend aux parcelles de terre régulièrement utilisées pour la pratique de la chasse, la pêche ou d’autres types d’exploitation de ressources et sur lesquelles le groupe exerçait un contrôle effectif au moment de l’affirmation de la souveraineté européenne.
4. Les actes nécessaires pour indiquer la présence permanente d’un groupe sur des terres et son intention de conserver et d’utiliser les terres pour ses besoins dépendent de son mode de vie et la nature des terres.
5. L’occupation continue est une occupation actuelle qui tire son origine de l’époque antérieure à l’affirmation de la souveraineté.
6. Pour satisfaire le critère de l’exclusivité de l’occupation, le groupe autochtone doit avoir eu l’intention de la capacité de garder le contrôle exclusif des terres en question.
7. Le titre ancestral confère au groupe qui le détient le droit exclusif de déterminer l’utilisation qu’il est fait des terres et de bénéficier des avantages qui en découlent.
8. L’utilisation des terres doit toujours respecter la nature collective du titre ancestral et préserver la jouissance des terres pour les générations futures.
9. Même avant que l’existence d’un titre ancestral soit établi par un tribunal ou une entente, la Couronne doit consulter de bonne foi les groupes autochtones qui revendiquent le titre sur des terres au sujet de ses projets d’utilisation des terres et trouver des accommodements aux intérêts de ces groupes, le cas échéant.
10.Le niveau de consultation et d’accommodement requis varie en fonction de la solidité de la revendication du groupe autochtone et de la gravité du préjudice éventuel du projet sur ses intérêts.
11.Lorsque l’existence du titre ancestral est établie, la Couronne doit obtenir le consentement du groupe autochtone avant de procéder à ses projets d’utilisation de la terre. En absence d’un tel consentement, la Couronne doit justifier toute incursion sur les terres visées par le titre et s’assurer que la mesure proposée est conforme aux droits reconnus aux autochtones par la Loi constitutionnelle de 1982.
12.À cette fin, la Couronne doit démontrer l’existence d’un objectif public réel et impérieux, et que la mesure gouvernementale est compatible avec l’obligation fiduciaire qu’a la Couronne envers le groupe autochtone.
LES LEÇONS À RETENIR
1. Pour prouver le titre ancestral, le groupe autochtone revendicateur doit démontrer l’existence d’une occupation suffisante, continue et exclusive.
2. L’occupation doit être adaptée aux particularités culturelles et reposer sur les points de vue du groupe autochtone en question.
3. Le groupe qui détient un titre ancestral a le droit de choisir les utilisations qui sont faites de ces terres et de bénéficier des avantages économiques qu’elles procurent.
4. Même avant l’existence d’un titre ancestral soit reconnue, le principe de l’honneur de la Couronne oblige toute province à consulter les groupes autochtones à propos des utilisations des terres afin de trouver des accommodements à leurs intérêts.
5. Toutefois, les terres ne peuvent jamais être aménagées ou utilisées d’une façon qui priverait de façon substantielle les générations futures de leur utilisation.
6. Le tribunal qui se prononce dans un dossier de droit autochtone doit veiller à ne pas perdre de vue la perspective autochtone Dubé Légal inc., avocats en droit autochtone à Montréal.