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Droit des contrats : les clauses restrictives s'interprètent conformément à  l'intention des parties et des obligations qu'elles sous-tendent

Droit commercial, droit des contrats, contrat de travail, contrat de vente d’actifs, clause de non-concurrence, clause de non-sollicitation : Dans une décision rendue en janvier 2013, la Cour suprême du Canada précise que la qualification du contrat détermine les règles qui y sont applicables. L’interprétation des règles est beaucoup plus généreuse en matière commerciale qu’elle l’est lorsqu’il s’agit d’un contrat de travail ayant comme objectif la protection du salarié. Il est donc nécessaire de distinguer la portée des clauses restrictives, selon qu’elles se rattachent à une convention commerciale ou à un contrat de travail. Dans la mesure où le contrat en question est qualifié de contrat commercial, les clauses restrictives s’y trouvant sont légales, sauf s’il est démontré qu’elles sont contraires à l’ordre public ou déraisonnables à l’égard d’une partie. Par ailleurs, une clause de non-sollicitation qui ne prévoit pas de limites territoriales ne peut être jugée déraisonnable, les restrictions géographiques étant superflues dans le cadre d’une clause de non-sollicitation (Payette c. Guay inc., 2013 CSC 45).

LES FAITS

Guay inc., une entreprise commerciale œuvrant dans le domaine de la location de grues, acquiert des actifs appartenant à des sociétés contrôlées par Yannick Payette par le biais d’une convention de vente d’actifs, laquelle est assortie de clauses de non-concurrence et de non-sollicitation, chacune d’une durée de cinq ans. Ce même contrat prévoit une clause selon laquelle Yannick Payette s’engage à travailler pour Guay inc. à temps plein, pour une période de six mois, comme consultant interne. À l’expiration de la période transitoire de six mois, les parties concluent un contrat de travail, d’abord à durée déterminée et ensuite à durée indéterminée. Malgré ce contrat de travail, Guay inc. congédie monsieur Payette quelques années plus tard, et ce, sans motif sérieux.

Par conséquent, Yannick Payette, lequel a déjà débuté un nouvel emploi chez Mammoet Crane inc., une entreprise concurrente de Guay inc., est poursuivi par Guay inc., devant la Cour supérieure du Québec. En défense, monsieur Payette prétend que la clause de non-concurrence ne peut trouver application dans ces circonstances car son employeur lui a congédié sans motif sérieux, le tout contrairement à l’article 2095 du Code civil du Québec. Guay inc. invoque, pour sa part, que la protection offerte aux salariés par l’article 2095 du Code civil du Québec en cas de congédiement sans motif sérieux ne s’applique pas aux clauses restrictives en question, lesquelles se trouvent dans une convention de vente d’actifs, et non dans un contrat de travail.

LA DÉCISION DE LA COUR SUPÉRIEURE

La Cour supérieure du Québec, tout en jugeant que les clauses restrictives faisaient partie du contrat de travail conclu entre les parties, décide que la règle énoncée à l’article 2095 du Code civil du Québec s’applique dans les circonstances. Selon la Cour, Guay inc. ne peut invoquer à son bénéfice les clauses restrictives de non-concurrence et de non-sollicitation puisqu’il a congédié Yannick Payette sans motif sérieux.

Afin de juger de la validité des clauses restrictives, la Cour supérieure prend en compte l’article 2089 du Code civil du Québec, lequel prévoit que toute stipulation de non-concurrence doit être limitée quant au temps, au lieu et au genre de travail à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur. Le juge de première instance décide que bien que la période de non-concurrence de cinq ans soit raisonnable, la portée territoriale de la clause est trop large. En ce qui concerne la clause de non-sollicitation, la Cour explique que l’absence de limitation territoriale rend la stipulation illégale.

LA DÉCISION DE LA COUR D’APPEL

La Cour d’appel, à la majorité, casse le jugement rendu par la Cour supérieure et prononce une ordonnance d’injonction permanente enjoignant à Yannick Payette de respecter les clauses restrictives. Selon le juge Chamberland, les obligations créées par les clauses restrictives ont été assumées dans le cadre de la convention de vente d’actifs et ne font aucunement partie du contrat de travail. Analysant ensuite la validité des clauses elles-mêmes, et ce, au regard des règles applicables en matière de vente d’entreprise, la Cour d’appel décide que les deux clauses sont légales, leurs portées étant nécessaires et justifiées par la nature des activités exercées par l’entreprise.

LA DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA

La Cour suprême décide que les règles applicables en la matière diffèrent selon qu’elles se rattachent à un contrat de vente d’entreprise ou bien à un contrat de travail. Les règles applicables dans le premier cas tiennent compte du déséquilibre des forces qui est présumé exister dans toute relation vendeur-acheteur, alors qu’en matière commerciale, ce déséquilibre ne se présume pas.

Cela étant, les règles relatives aux clauses restrictives en matière d’emploi ne s’appliquent pas avec la même rigueur et la même intensité lorsque ces mêmes clauses se trouvent plutôt dans un contrat commercial, soit une situation où les parties, généralement appuyées chacune par des professionnels compétents, ont pu négocier à armes égales. La Cour suprême du Canada explique ainsi que l’article 2095 du Code civil du Québec, lequel prévoit qu’un employeur ne peut invoquer l’application d’une clause de non-concurrence s’il a résilié le contrat d’emploi sans motif sérieux, ne s’applique qu’à la clause de non-concurrence se trouvant dans un contrat de travail, et non celle faisant plutôt partie d’un contrat de vente.

Avant d’analyser la validité d’une clause de non-concurrence ou encore d’une clause de non--sollicitation, enseigne la Cour suprême, il faut déterminer à quel acte juridique cette clause se rattache. Pour ce faire, il faut apprécier le contexte dans lequel les parties ont négocié et pour quel but les obligations accessoires de non-concurrence et de non-sollicitation ont été assumées. Eu égard à la preuve et malgré le caractère hybride de l’acte juridique en question, la Cour suprême conclut que les clauses en question ne peuvent être dissociées du contrat de vente d’actifs, les obligations étant souscrites par Yannick Payette en raison de la vente de son entreprise à Guay inc. et non en raison de ses services comme consultant ou salarié auprès de Guay inc. après la vente. Par conséquent, ces clauses doivent être interprétées en vertu des règles propres au droit commercial.

Les règles applicables en matière commerciale édictent que toute clause de non-concurrence ne soit légale que dans la mesure où elle est raisonnable et limitée quant à sa durée, à son territoire et aux activités qu’elle vise. Selon la Cour, la période de cinq ans, les limites territoriales prévues, la nature très spécialisée des activités de l’entreprise en question et le fait que les parties ont été, de part et d’autre, conseillées par des professionnels en droit et en comptabilité rendent la clause de non-concurrence raisonnable. Au surplus, le fait qu’il n’y a pas de limites territoriales prévues à la clause de non-sollicitation ne permet pas de conclure au caractère déraisonnable de cette dernière.

CONCLUSION

Les règles propres au droit du travail et qui visent à protéger le salarié ne peuvent trouver application lorsque le contrat est une convention de vente d’actifs et les clauses restrictives s’y trouvant ont pour but principal la protection des actifs acquis.  Dubé Légal inc., avocats en droit commercial à Montréal.