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Droit disciplinaire: Le privilège relatif au litige dans le contexte d'une enquête disciplinaire

Dans un arrêt de principe rendu le 25 novembre 2016, la Cour suprême du Canada a précisé les divers éléments qui distinguent le privilège relatif au litige du secret professionnel. De plus, la Cour suprême a confirmé que le privilège relatif au litige est un privilège générique qui est opposable aux tiers. Ainsi, il peut être soulevé afin d’empêcher la divulgation de documents et communications préparés pour les fins d’un litige auprès de tiers enquêteurs ayant une obligation de confidentialité, dont notamment le syndic d’un ordre professionnel. (Lizotte c. Aviva, Compagnie d’assurance du Canada, 2016 CSC 52).

Dans le cadre d’une enquête portant sur la conduite d’un expert de sinistre, la syndique de la Chambre de l’assurance de dommage avait demandé à la compagnie d’assurance de lui communiquer une copie complète du dossier de réclamation, en invoquant notamment l’article 337 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qui exige que tout document ou tout renseignement demandé par un syndic lui soit transmis. L’assurer décide plutôt de lui communiquer seulement certains éléments du dossier, retranchant tout écrit qui pouvait être visé par le secret professionnel ou le privilège relatif au litige.

La Cour supérieure et la Cour d’appel confirment, toutes les deux, la justesse de la décision prise par l’assureur : selon ces tribunaux, dans la mesure où la loi ne prévoit pas de dérogation expresse, un assureur peut refuser la communication des documents protégés par le privilège relatif au litige ou le secret professionnel. Malheureusement, les deux tribunaux n’étaient pas d’accord quant à la portée du privilège relatif au litige, d’où les nombreuses précisions apportées par la Cour suprême du Canada.  

Tout d’abord la Cour suprême explique en quoi le privilège relatif au litige est différent du secret professionnel de l’avocat : (1) le privilège crée une immunité de divulgation afin d’assurer l’efficacité du processus contradictoire, alors que le secret professionnel vise plutôt à préserver une relation avocat-client; (2) le privilège s’éteint avec le litige, alors que le secret professionnel offre une protection permanente et (3) le privilège n’est pas limité aux communications entre l’avocat et son client, mais vise plutôt l’ensemble des documents et communications dont l’objet principal est la préparation d’un litige. Cependant, le privilège relatif au litige, tout comme le secret professionnel, a comme but de maintenir « l’administration sûre et efficace de la justice conformément au droit. »

De plus, la Cour suprême souligne qu’une fois établies les conditions de son application, à savoir l’existence d’un document dont l’objet principal est la préparation d’un litige en cours ou un litige raisonnablement appréhendé, le privilège est présumé s’appliquer. Ce n’est donc pas à la partie qui revendique le privilège relatif au litige qui doit établir son application, en démontrant que le préjudice découlant de la non-divulgation emporte sur le préjudice découlant de la divulgation ou que les circonstances du cas le justifient.

Par ailleurs, la Cour suprême rejette l’argument de la syndique, selon lequel le privilège ne devrait pas être opposable aux tiers. Sur ce point, la Cour précise qu’il n’est pas souhaitable d’exclure les tiers de son application et que même s’il n’existe aucun risque que l’enquête du syndic mène à une divulgation privilégiée, et ce, compte tenu de l’obligation de confidentialité et de discrétion du syndic, la possibilité que le travail d’une partie soit utilisé par le syndic pendant la préparation du litige pourrait décourager la mise par écrit des efforts de cette partie et grandement nuire à sa capacité d’élaborer sa stratégie en toute confiance et à l’abri d’une divulgation forcée.

Finalement, la Cour conclut qu’il faut une disposition législative expresse pour écarter l’application du privilège relatif au litige : les termes « tout document » ne sont donc pas suffisamment clairs, explicites et non-équivoques pour exclure le privilège Dubé Légal inc., avocats en droit disciplinaire.