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Droit disciplinaire: le sursis d'exécution d'une décision sur sanction n'est pas automatique même en cas de limitation permanente

Dans un jugement rendu le 17 février 2022, le Tribunal des professions passe à travers les critères jurisprudentiels applicables en matière de sursis et confirme que même en cas de limitation permanente, le sursis d’exécution de la décision sur sanction n’est pas automatique. Le Tribunal des professions réitère aussi l’importance que les parties soient entendues lorsque le conseil de discipline entend imposer des sanctions excédant substantiellement celles suggérées par les parties ou reconnues par la jurisprudence en semblable matière. L’imposition de telles sanctions doit nécessairement être motivée par le conseil (Conea c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2022 QCTP 5).

Devant le Conseil de disciplinaire, une plainte disciplinaire comportant 4 chefs d’infraction portant sur la préparation, la manipulation et l’administration inappropriée de narcotiques par une infirmière a été déposée, plainte à laquelle ladite infirmière a plaidé coupable. Lors de l’audience sur sanction, la syndique a recommandé des périodes de radiation entre 9 et 12 mois, ainsi qu’une limitation temporaire d’accès aux narcotiques pour une période de 24 mois; l’infirmière a plutôt recommandé l’imposition d’une amende de 2 500$ sur chacun des chefs et à titre subsidiaire, des périodes de radiation de 6 mois pour certains chefs et de 10 mois pour les autres. Elle a notamment invoqué son arrêt de travail pendant six mois pour justifier des périodes de radiations moins longues que celles proposées par la syndique. Le Conseil a toutefois décidé d’écarter l’ensemble des suggestions et d’imposer des périodes de radiation de 7 et 10 mois, ainsi qu’une limitation permanente du droit de l’infirmière d’avoir accès aux narcotiques et de les manipuler, les préparer ou les administrer.

L’infirmière porte la décision sur sanction en appel devant le Tribunal des professions, mais dans un premier temps, demande au Tribunal de surseoir exclusivement à l’exécution de la limitation permanente, et ce, en attendant qu’une décision finale sur l’appel soit rendue.

Tout d’abord le Tribunal des professions réitère les quatre critères applicables en matière de sursis d’exécution, à savoir (1) l’économie de la loi, (2) la faiblesse apparente de la décision attaquée, (3) l’existence de circonstances exceptionnelles et (4) le préjudice irréparable et la balance des inconvénients.

En ce qui concerne l’économie de la loi, le Tribunal reconnaît que le Code des professions prévoit l’exécution de la décision ordonnant une limitation permanente nonobstant appel, ce qui ne milite par en faveur de l’octroi d’un sursis. Quant à la faiblesse apparente de la décision attaquée, le Tribunal prend le temps de bien examiner les arguments soulevés par l’infirmière, laquelle plaide que le Conseil s’est écarté des suggestions des parties sans motiver sa décision ni offrir aux parties la chance d’être entendues sur la question de la limitation permanente. Sur ce point précis, le Tribunal confirme l’existence d’une faiblesse à deux niveaux : lorsqu’un conseil de discipline décide de s’écarter grandement des sanctions proposées par l’une ou l’autre des parties ou décide d’imposer une sanction qui s’écarte de la fourchette de sanctions généralement imposées en matière similaire, il doit non seulement donner la chance aux parties d’être entendus, mais doit également motiver sa décision et expliquer l’écart, ce qui ne semble pas être le cas en l’espèce. De plus, le fait que la limitation permanente ne repose sur aucun précédent comparable et est d’une sévérité surprenante constitue en soi une circonstance exceptionnelle.

Toutefois, quant au critère du préjudice irréparable et la balance des inconvénients, le Tribunal des professions explique que la limitation permanente ne touche qu’un seul aspect de la pratique, à savoir l’accès aux narcotiques. Le Tribunal considère le fait que l’infirmière en question a été déplacée dans un poste administratif depuis la décision du Conseil, et que bien que ses nouvelles fonctions soient moins intéressantes, son droit à gagner sa vie n’est aucunement en cause. Dans ce contexte, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas de préjudiciable irréparable.

Finalement, le Tribunal des professions rappelle que son pouvoir d’accorder un sursis est un pouvoir discrétionnaire et que dans les circonstances, il y a lieu de rejeter la demande de l’infirmière Dubé Légal inc., avocats en droit disciplinaire.